Discours

„Ensemble nous sommes fort-e-x-s“

Discours Zurich Pride 17.06.2023

Salomé Trafelet (co-directrice) et Anna-Béatrice Schmaltz (membre du comité)

C’est une grande joie pour nous d’être ici avec vous ! Nous sommes Anna-Béatrice Schmaltz et Salomé Trafelet de l’Organisation suisse des lesbiennes, la LOS. La LOS se bat pour les droits des lesbiennes, des bisexuelle-x-s et des femmes queers en Suisse – et nous le faisons avec fierté, visibilité et féminisme !

C’est une sensation extraordinaire de défiler à Zurich avec plusieurs dizaines de milliers de personnes queers, non ? Vous aussi, vous êtes grisé-e-x-s par cette journée pleine de paillettes et de frissons ?
Aujourd’hui, nous sommes visibles. Aujourd’hui, nous sommes là en très grand nombre. Aujourd’hui, toute la communauté est réunie, dans toute sa diversité. Nous baignons dans un sentiment de cohésion et de communauté. Ce que nous vivons aujourd’hui et qui m’a rendue si heureuse lors de la manifestation à travers Zurich, c’est la joie et la solidarité queers.

C’est justement de ça que nous voulons vous parler aujourd’hui : de solidarité. Pourquoi ? Pourquoi la solidarité est-elle importante ? Pour moi, la solidarité, c’est se tenir aux côtés d’autres personnes, d’autres groupes, et se défendre mutuellement.

Est-ce que vous connaissez le slogan A day without lesbians is like a day without sunshine (un jour sans lesbiennes est comme un jour sans soleil) ? Je le trouve génial. Vous connaissez aussi son histoire ? Dans les années 70, une célèbre campagne de marketing a été lancée aux États-Unis : Breakfast without orange juice is like a day without sunshine. Le problème : l’égérie de la campagne, Anita Bryant, militait en Floride contre le mouvement LGBT qui défendait ses droits. La communauté a donc réagi et s’est montrée solidaire : pendant des années, les bars gays américains n’ont plus servi de jus d’orange. C’est ainsi qu’avec beaucoup de créativité, la communauté queer a transformé le slogan marketing d’une personne homophobe en un magnifique slogan en l’honneur des lesbiennes : A day without lesbians is like a day without sunshine.

Cette solidarité-là, nous en avons besoin en ce moment. Et c’est exactement ce que nous avons vécu aujourd’hui : lesbiennes, bisexuel-le-x-s, pansexuel-le-x-s, gays, asexuel-le-x-s, personnes cis et trans, personnes non binaires et personnes intersexe – nous avons touxtes défilé aujourd’hui côte à côte dans les rues de Zurich et avons envoyé un signal fort : nous sommes nombreux-se-x-s, notre diversité est grande, et nous revendiquons le droit d’être nous-mêmes, sans discrimination, sans obstacles, sans haine ni violence. Ce moment de solidarité et de joie queer est une expérience extrêmement importante, une pause bienvenue après des mois de discussions épuisantes voire dévalorisantes dans les médias sur le langage inclusif, l’introduction d’un troisième genre à l’état civil ou le Drag Story Time.

Vous en avez sûrement entendu parler : avant le Drag Story Time à Zurich, des milieux de droite et d’extrême droite ont dénigré cet événement et ont répandu la haine. La réaction a été une grande solidarité et un grand soutien à l’événement. Plus de 450 personnes étaient présentes le jour de l’événement et ont exprimé leur solidarité pacifiquement et en couleurs. Grâce à ce soutien, le Drag Story Time a pu avoir lieu, et 100 enfants ont pu assister à ce spectacle coloré et important sur les rôles de genre.

C’est pour ça que nous voulons parler de solidarité aujourd’hui.

La solidarité au sein de la communauté signifie beaucoup de choses :

  • Nous soutenons aussi bien le gay de 50 ans qui n’a pas fait son coming out sur son lieu de travail que la personne militante qui a 100 pins colorés sur son sac à dos.
  • Des personnes queers et alliées, avec ou sans enfants, protègent le Drag Story Time.
  • Des célibataires s’engagent pour les droits des familles arc-en-ciel, et ensemble, nous luttons pour la reconnaissance de la diversité des modèles relationnels et familiaux.
  • L’année dernière, plusieurs milliers de personnes de la communauté se sont montrées solidaires avec la LOS lorsque nous n’avions pas obtenu de char à la Pride.
  • Il est important que nous, les personnes cis, soutenions des revendications même si elles ne nous concernent pas directement, que ce soit pour l’introduction d’un troisième genre ou l’extension de la norme pénale anti-discrimination à l’identité de genre.
  • Nous devons nous serrer les coudes et nous opposer fermement à l’hostilité envers les personnes queers. Ça aussi, ça fait partie de la solidarité, de ne pas laisser l’hostilité s’installer, mais de la contrer et de la combattre.
  • La solidarité, pour nous, c’est aussi s’engager pour les personnes queers réfugiées et pour les personnes queers touchées par la pauvreté.
  • La solidarité, c’est aussi être ouvert-e-x-s à la critique, l’écouter et en apprendre quelque chose.

La LOS est convaincue que nous n’avons pas seulement besoin de solidarité à l’intérieur de la communauté LGBTQIA, mais que nous devons aussi nous allier et faire preuve de solidarité au-delà des communautés et des mouvements. Il est important de relier les différentes luttes. La force de la communauté et de la solidarité a également été démontrée cette semaine par les 300 000 FLINTA (femmes, lesbiennes, inter, personnes non-binaires et trans) qui ont participé à la grève féministe de mercredi dans toute la Suisse et sont descendue-x-s ensemble dans la rue pour un avenir féministe et solidaire. Le mouvement de grève donne une place à diverses revendications pour une société égalitaire et sans discrimination. La solidarité queer-féministe nous rend fortes :

  • Les lesbiennes s’engagent pour le droit à l’avortement, même si beaucoup d’entre elles ne sont pas concernées.
  • Les féministes s’engagent pour le droit d’asile des personnes queers.

…pour ne citer que deux exemples.

Pour terminer, je voudrais parler de mon t-shirt, car il est la preuve d’une solidarité concrète. Dans les années 80, en Angleterre, les mineurs de charbon ont fait grève. Comme une longue grève finit par engloutir l’argent économisé, un groupe de gays et de lesbiennes s’est réuni à Londres pour former le LGSM (Lesbians and Gays Support the Miners : les gays et les lesbiennes soutiennent les mineurs). Ce groupe a récolté de l’argent pour les mineurs. Mon t-shirt provient d’ailleurs d’un bal de charité organisé par LGSM à Londres. Pendant cette année – car la grève a duré une année – LGSM et les familles de mineurs du pays de Galles qu’iels soutenaient sont restées en contact régulièrement et se sont rendu visite. Iels ont noué des amitiés et appris beaucoup de choses sur la réalité de leur quotidien ; pas seulement les différences – d’un côté, la mine de charbon au Pays de Galles, de l’autre, les bars gays à Londres – mais aussi le fait que quelque chose de très, très important les unissait : les deux groupes se battaient pour vivre dans la dignité et être respectés. Et même si la solidarité signifie soutenir un groupe par conviction, sans attendre de contrepartie directe, les mineurs de charbon et leurs familles ont fait preuve de solidarité en retour. L’année suivante, leur syndicat a fait pression pour que le parti de gauche s’engage officiellement en faveur des droits des personnes LGBT. Les gays et lesbiennes œuvraient déjà pour cela depuis longtemps, mais la solidarité des mineurs a permis de faire un pas important dans ce sens. Et ce, à une époque où Margaret Thatcher introduisait des lois hostiles aux personnes queers et incitait à la haine contre les personnes queers. Si vous souhaitez en savoir plus sur cette histoire, je vous recommande le film Pride de 2014.

Cet exemple montre l’importance de la solidarité, surtout dans les moments difficiles. La solidarité peut faire évoluer les choses dans le bon sens, même quand les médias et les espaces de commentaires débordent de haine, même si la haine est propagée de manière ciblée pour les campagnes électorales. La solidarité donne de l’espoir. Soyons solidaires au sein de la communauté.

Soyons solidaires d’autres luttes : antiracistes, pour les droits et la participation des migrant-e-x-s et des réfugié-e-x-s aux décisions, pour les droits et l’inclusion des personnes qui ont un handicap.

Et aux allié-e-x-s parmi nous : soyez solidaires avec nous, les personnes LGBTIQ.

L’union fait la force.

Discours Basel tickt Bunt, 1.7.2023

Alessandra Widmer (co-directrice)

Je vous remercie de votre présence. Je m’appelle Alessandra, je fais partie de l’Organisation suisse des lesbiennes et je suis une Bâloise queer. Cela fait partie de mon travail de parler devant les gens. D’assumer, de dire ce qu’il en est. De faire preuve de courage, de faire entendre ma voix. Et ce, toujours avec le plus de positivité et d’empowerment possible.

En préparant ce discours, je me suis rendu compte que je n’en étais pas capable en ce moment.

Je suis fatiguée.

Je suis en colère.

Et j’ai peur.

Être fatiguée, en colère et inquiète n’est pas mon profil professionnel, mais ma réalité en tant que lesbienne à Bâle. Et ce n’est pas seulement ma réalité, mais aussi celle de mes ami-e-x-s queers, de mes colocataires, des personnes avec lesquelles j’entretiens des relations, de mes collègues de bureau et peut-être aussi de certain-e-x-s d’entre vous ici.

Ces dernières années, nous avons pu célébrer quelques succès politiques – surtout les lesbiennes, les bisexuel-le-x-s et les gays. Aujourd’hui, cela fait un an que le mariage pour toutes et tous a été introduit. Mais ce qui nous attend maintenant, ce ne sont pas des lauriers sur lesquels nous pourrions nous reposer.

Ce qui nous attend maintenant, c’est l’UDC qui fait campagne avec des slogans anti-trans.

Ce qui nous attend maintenant, ce sont de nouvelles discussions pénibles lors des repas de famille.

Ce qui nous attend maintenant, ce sont des médias à la curiosité mal placée qui veulent montrer à quel point notre communauté est divisée.

Ce qui nous attend maintenant, ce sont des nazis qui perturbent les lectures publiques et les manifestations de la Pride.

Rien de tout cela n’est nouveau, bien sûr. Mais la situation s’est aggravée. Le retour de bâton, le backlash, c’est maintenant. La communauté queer n’a jamais été aussi visible et influente qu’aujourd’hui. Mais cela nous expose aussi à des attaques.

Je crois en une chose : tôt ou tard, nous nous imposerons. Nous allons gagner. Nous pourrons défendre les droits que les générations précédentes ont obtenus pour nous. Et nous obtiendrons les droits dont nous avons encore besoin.

L’interdiction des interventions de modification du sexe chez les enfants intersexués.

Le troisième sexe officiel.

La pénalisation des tentatives de conversion.

La protection totale de nos relations et de nos familles.

…et bien sûr : l’extension de la loi bâloise sur l’égalité.

Chères personnes queers, lesbiennes, bisexuelles, gays, trans, non binaires, intersexes, asexuelles et aromantiques : ce sera un combat difficile. Nous devrons nous soutenir mutuellement. Nous devrons nous serrer les coudes comme jamais auparavant.

Et nous aurons besoin d’alliances fortes, pas seulement à l’intérieur de la communauté.

Et c’est pourquoi, cher-ère-s allié-e-s qui êtes là aujourd’hui : merci d’être avec nous, car nous avons urgemment besoin de vous. Prenez position pour nous. Et j’entends par là, pour nous touxtes : pas seulement pour les personnes qui organisent un mariage de rêve, mais aussi pour celles dont vous ne comprenez pas d’emblée la façon d’être queer.

« Zäme hebe », c’est-à-dire rester uni-e-x-s, se défendre les un-e-x-s les autres, c’est ce que nous devons touxtes faire maintenant :

Les personnes cis pour les personnes trans.

Les personnes endosexe pour les personnes intersexe.

Les hétéro pour les homo et les bi.

Les personnes sans enfants pour les familles arc-en-ciel.

Les personnes qui ne sont pas queers pour les personnes queers.

Mais aussi :

Les personnes qui ont la nationalité suisse pour celles qui ne l’ont pas.

Les personnes qui ne subissent pas de racisme pour celles qui le subissent au quotidien.

Les personnes qui profitent du patriarcat pour celles qu’il touche.

Les personnes sans handicap ni maladies chroniques pour celles qui en ont.

Les personnes avec des hauts salaires pour celles avec des bas salaires.

Ensemble, nous allons ressentir la fatigue, la colère et la peur, afin d’atteindre ensemble le bonheur et la liberté.

Notre engagement à touxtes est accompagné de tous ces sentiments. Ils sont tous légitimes, et méritent tous une place. En ce moment même, la peur, la déception et la colère doivent avoir leur place. Mais il faut aussi laisser de l’espace au bonheur et à l’espoir.

Car depuis toujours, la communauté queer a réussi à faire un sujet politique non seulement de son adversité et de ses problèmes, mais aussi de son bonheur.

J’ai commencé ce discours en parlant de ma peur et de ma colère. J’aimerais le terminer en parlant de votre bonheur, de votre queer joy. Car notre bonheur, celui pour lequel nous nous battons, fait partie de notre résistance. La joie queer est notre moteur, notre stratégie de survie.

C’est pourquoi j’ai demandé à de nombreuses personnes queers à Bâle ce que signifie pour elles la queer joy, la joie queer. Et j’aimerais vous lire leurs réponses.

  • Pour moi, la joie queer signifie me reconnaître pour la première fois dans le miroir et savoir que les autres me voient enfin comme je me suis toujours vu-e-x.
  • Pour moi, la joie queer, c’est regarder des films qui montrent et célèbrent les réalités queers.
  • Pour moi, la joie queer, c’est quand des personnes queers s’épanouissent dans des espaces safe.
  • La joie queer, pour moi, c’est marcher dans la ville main dans la main avec mes ami-e-x-s.
  • La joie queer, pour moi, c’est pouvoir dire que je suis queer et de m’en sentir fier-ère-x.
  • La joie queer, pour moi, c’est pleurer ensemble à la Pride avec mon frère dans les bras sur une chanson de Katy Perry.
  • La joie queer, pour moi, c’est pouvoir chiller seins nus devant d’autres personnes queers sans dysphorie.
  • La joie queer, pour moi, c’est voir que je ne suis pas seul-e-x et que j’ai le soutien d’une merveilleuse communauté.
  • La joie queer, pour moi, c’est pleurer dans les bras d’autres personnes queers quand je n’en peux plus.
  • Pour moi, la joie queer, c’est entrer dans le Zischbar le mardi et voir tant de gens en train de rire.

Aujourd’hui, lorsque nous partons manifester touxtes ensemble, nous ne nous battons pas seulement contre le backlash, contre le monde et ses normes ; nous nous battons aussi pour notre bonheur.

Et nous continuerons jusqu’à ce que toutes les personnes queers puissent ressentir ces moments de bonheur.

Nous continuerons jusqu’à ce que ce bonheur devienne bien plus que juste des moments.

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